Thème 2 : Enjeux sanitaires et zoosanitaires

RESPONSABLE

Responsable du thème 2

DARIUS H. Taiana

Présentation du thème
 

Ce thème est composé de trois axes :

  • AXE 1 : Enjeux sanitaires liés aux intoxications par biotoxines marines
  • AXE 2 : Enjeux zoosanitaires liés aux agents pathogènes des cheptels aquacoles
  • AXE 3 : Contaminants chimiques dans les réseaux trophiques marins et éco-santé des populations

Responsable actuel : Taiana Darius (ILM)

Doctorants &
Post-doctorants

L’équipe complète
 

PRÉSENTATION DU THÈME 2 : ENJEUX SANITAIRES ET ZOOSANITAIRES

L’évolution des milieux insulaires sous l’effet des forçages anthropiques (changements globaux, contamination chimique, eutrophisation, transfert de matériel biologique en lien avec les usages,…) rend nécessaire un renforcement des recherches en lien avec les enjeux sanitaires et zoosanitaires actuels et émergents relevant des biotoxines, de la recrudescence des maladies infectieuses des cheptels (notamment du fait de l’évolution des modes de production), ou encore des maladies imputables au mode de vie des populations humaines et du transfert  des contaminants dans la chaîne trophique.

L’importance sanitaire et économique grandissante du risque lié aux biotoxines marines et son extension à d’autres régions géographiques – dont l’Europe – souligne l’urgence d’une sécurisation sanitaire et économique accrue des filières piscicoles polynésiennes. C’est notamment le cas de la ciguatéra, intoxication alimentaire hautement prévalente en Polynésie française, dont la gestion sanitaire s’avère délicate du fait de l’absence de traitements efficaces et d’outils de diagnostic précoce, et de l’existence de formes chroniques extrêmement invalidantes pour les patients. Cet ichtyosarcotoxisme constitue de surcroît une entrave majeure à l’émergence de projets aquacoles d’envergure et au développement de filières de pêche locales ou d’export des poissons lagonaires. Le corpus de connaissances et les outils de surveillance développés ces dernières années ont certes permis la mise en place d’un système de surveillance des intoxications par biotoxines marines avec une exhaustivité renforcée, néanmoins, l’augmentation récente et la diversification de formes atypiques de ciguatéra dans diverses îles de Polynésie, notamment celles associées à la consommation d’invertébrés marins (bénitiers, trocas, et oursins), souligne la nécessité d’études plus poussées visant : 1) à une description clinique ad hoc et une meilleure prise en charge de ces syndromes d’intoxication,  et 2) à un screening le plus exhaustif possible des différents micro-organismes toxiques et toxines marines susceptibles d’exercer leurs effets délétères dans les écosystèmes lagonaires de Polynésie. Plus généralement, la toxico-cinétique des toxines ciguatériques chez des hôtes-vecteurs emblématiques tels que les poissons ou les bénitiers reste encore très largement méconnue, de même que les mécanismes présidant à la bio-magnification et bio-transformation de ces toxines dans les réseaux trophiques. Enfin, au regard de la faible disponibilité actuelle en standards purs de ciguatoxines au niveau international, la possibilité de produire des ciguatoxines pour alimenter les laboratoires d’analyses est une piste qui est actuellement exploitée même si cette action relève davantage d’un projet de valorisation semi-industriel que d’activités de recherche stricto sensu.

Sur le plan économique, la production aquacole mondiale de mollusques, crustacés et poissons, a connu un fort essor au cours des dix dernières années. La modification notable des systèmes d’exploitation et le nombre accru de nouvelles espèces d’intérêt aquacole, en lien avec cette augmentation extrêmement rapide ont un impact sur la structuration des écosystèmes ainsi que sur la santé des organismes tant élevés que sauvages. On assiste notamment à une recrudescence des maladies infectieuses, dues à des agents pathogènes de nature variée : bactéries, virus, champignons, protozoaires et métazoaires parasites, dont le développement et la dissémination sont favorisés par les pratiques aquacoles. Pour l’heure, les 4 filières aquacoles principales de Polynésie française, l’huître perlière P. margaritifera, la crevette Litopeaneus stylirostris, le bénitier Tridacna maxima et le poisson lune Platax orbicularis, classées par ordre d’importance socio-économique, bénéficient d’un statut zoosanitaire très favorable en raison principalement de l’isolement géographique des zones de production et de mesures d’épidémio-surveillance et d’épidémio-vigilance prises par le Pays. Toutefois, ces dernières années, plusieurs agents infectieux pathogènes ont été identifiés, tels que des bactéries des genres Vibrio et Tenacibaculum (chez P. margaritifera et P. orbicularis), le nodavirus (chez P. orbicularis), et un parasite, Perkinsus olseni (chez T. maxima), l’un des sept agents infectieux chez les mollusques à déclaration obligatoire auprès de l’Office International des Epizooties (OIE). Il apparaît désormais comme primordial de renforcer le système de surveillance existant vis-à-vis de ces agents infectieux nouvellement répertoriés. Une meilleure identification et caractérisation de leur mode d’action, doit amener à optimiser les protocoles zootechniques et les systèmes de surveillance à mettre en œuvre.

Enfin, selon un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé, les pays de la zone Asie-Pacifique doivent faire face à une nouvelle menace, celle des maladies imputables au mode de vie et au vieillissement de la population qui constituent un véritable défi sanitaire pour les populations concernées. Ce constat alarmant s’explique principalement par les modifications du régime alimentaire et la baisse de l’activité physique au sein de ces populations. La Polynésie française n’échappe pas à cette règle. Toutefois, en raison de la répartition des populations sur 5 archipels distincts sur une surface aussi vaste que l’Europe, et aux modes de vie parfois très différents, il est vraisemblable que des facteurs tels que le degré d’éloignement par rapport à l’île principale de Tahiti, la disponibilité de denrées produites dans l’île même, le niveau du risque toxique lié aux intoxications par biotoxines marines (e.g. ciguatéra), ou encore le mode de traitement des déchets (incinération à l’air libre ou « lagonnage » exposant les populations à une imprégnation aux polychlorobiphényles (PCB) et métaux lourds par voie aérienne et/ou alimentaire), puissent imprimer un tableau sanitaire différent d’un archipel à l’autre. Ainsi, connaître l’état sanitaire d’une population dans son contexte environnemental apparaît primordial en matière de santé publique et de projection des besoins futurs.  De même, il est crucial de mieux documenter les voies d’entrée et le devenir des contaminants chimiques dans les écosystèmes marins, et notamment le rôle joué par les producteurs primaires dans le transfert de ces contaminants dans les réseaux trophiques des EIO. Cette thématique consacrée aux enjeux sanitaires et zoosanitaires dans les écosystèmes insulaires polynésiens se décline ainsi selon trois axes d’étude.

D’une part, nous nous attachons à consolider et améliorer le système de surveillance épidémiologique existant vis-à-vis des principaux types d’intoxication recensés dans les 5 archipels de Polynésie. Une attention particulière sera portée aux intoxications émergentes de type Ciguatera Shellfish Poisoning impliquant des invertébrés. En parallèle, la caractérisation taxonomique et chimique exhaustive des micro-organismes (dinoflagellés, diatomées, cyanobactéries) et des composés toxiques à l’origine de ces intoxications est entreprise. Des programmes visant à l’établissement de cultures in vitro des espèces d’intérêt s’avèreront incontournables. Compte tenu de la diversité des produits marins et des familles toxiniques à surveiller, un effort particulier est dévolu à l’évolution technologique des tests de détection existants, pour les adapter au contexte éco-toxicologique particulier des EIOs polynésiens et, si possible, en vue d’une utilisation à moindre coût.

D’autre part, nous étudions les effets toxiques et la toxico-cinétique des ciguatoxines (CTXs) chez deux modèles d’hôtes-vecteurs : les poissons pour les vertébrés et les bénitiers pour les invertébrés. Pour ce faire, des essais de contamination expérimentale (gavage) sont menés sur des poissons lagonaires de différents niveaux trophiques. Une bio-banque de différents tissus (sang, foie, muscle, etc.) ainsi constituée. Ces derniers seront analysés pour leurs teneurs en CTXs et la caractérisation chimique des différents analogues de CTXs présents. Ces données serviront aux expérimentations in vitro et in silico ultérieures (transformations enzymatiques et électrochimiques) visant à décrypter et mimer in silico les voies de bio-transformation des CTXs retrouvées chez les poissons. L’objectif est de produire à partir du panel des CTXs issues de la micro-algue Gambierdiscus, des formes métaboliques plus oxydées pouvant être utilisées comme sources potentielles d’étalons. Par ailleurs, l’analyse transcriptomique des niveaux d’expression génique par RNAseq des différents tissus de poissons issus des essais de gavage toxique sera réalisée avec deux objectifs : 1) mieux comprendre les effets des CTXs sur les poissons à travers une approche de biologie des systèmes ; 2) effectuer une analyse discriminante des signatures géniques des poissons intoxiqués vs contrôles à des durées d’exposition différentes pour tenter d’identifier des biomarqueurs potentiels spécifiques des poissons toxiques. Il est à noter que si la puissance des signatures géniques discriminant poissons toxiques et poissons sains se révèle suffisante, cette approche qui met l’accent sur les effets des CTXs dans le poisson plutôt que sur la détection des CTXs elles-mêmes, pourrait à terme déboucher sur un changement de paradigme des méthodes de détection existantes et la mise au point d’un test de détection fiable et peu coûteux des poissons toxiques. Des essais de contamination similaires seront conduits sur le modèle bénitier (T. maxima), en accordant une attention particulière aux voies et temps de dépuration des CTXs chez cet invertébré marin très prisé des populations locales.

Concernant la gestion des intoxications de type ciguatéra, nos objectifs sont de contribuer à une meilleure prise en charge des patients intoxiqués, tant au niveau du diagnostic précoce de la maladie que du traitement des symptômes cliniques de l’intoxication, qu’il s’agisse des formes aiguës ou chroniques. S’agissant du traitement de la ciguatéra, aucun antidote spécifique n’a été clairement identifié à ce jour, d’où l’approche essentiellement palliative qui est privilégiée en médecine occidentale. Actuellement, une plante issue de la pharmacopée traditionnelle, Heliotropium foertherianum ou faux tabac, suscite pourtant beaucoup d’espoir, son principe actif majeur, l’acide rosmarinique, ayant clairement montré des propriétés neuro-protectrices vis-à-vis de l’action des CTXs. L’élucidation du mode d’action de cette molécule constitue donc actuellement une priorité de recherche, et en cas d’avancée majeure, pourrait nourrir la réflexion en cours sur d’éventuels essais cliniques. Nous ciblons par ailleurs également l’étude des formes résiduelles et/ou sporadiques chroniques de ciguatéra qui demeurent, encore aujourd’hui, une véritable énigme, afin de tenter d’identifier des voies thérapeutiques de soulagement. Pour cela, nous nous attachons à une définition précise et objective de la notion de « chronicité », la caractérisation exhaustive des symptômes observés durant cette phase (essentiellement d’ordre neurologiques) et des facteurs susceptibles de les aggraver, ainsi qu’à l’identification de marqueurs immunogénétiques potentiels de prédisposition au développement de ces formes chroniques.

D’une part, nous nous attachons à consolider et améliorer le système de surveillance épidémiologique existant vis-à-vis des principaux types d’intoxication recensés dans les 5 archipels de Polynésie. Une attention particulière est portée aux intoxications émergentes de type Ciguatera Shellfish Poisoning impliquant des invertébrés. En parallèle, la caractérisation taxonomique et chimique exhaustive des micro-organismes (dinoflagellés, diatomées, cyanobactéries) et des composés toxiques à l’origine de ces intoxications est entreprise. Des programmes visant à l’établissement de cultures in vitro des espèces d’intérêt s’avèrent incontournables. Compte tenu de la diversité des produits marins et des familles toxiniques à surveiller, un effort particulier est dévolu à l’évolution technologique des tests de détection existants, pour les adapter au contexte éco-toxicologique particulier des EIOs polynésiens et, si possible, en vue d’une utilisation à moindre coût.

D’autre part, nous étudions les effets toxiques et la toxico-cinétique des ciguatoxines (CTXs) chez deux modèles d’hôtes-vecteurs : les poissons pour les vertébrés et les bénitiers pour les invertébrés. Pour ce faire, des essais de contamination expérimentale (gavage) sont menés sur des poissons lagonaires de différents niveaux trophiques. Une bio-banque de différents tissus (sang, foie, muscle, etc.) est ainsi en cours de constitution. Ces derniers sont analysés pour leurs teneurs en CTXs et en vue de la caractérisation chimique des différents analogues de CTXs présents. Ces données serviront aux expérimentations in vitro et in silico ultérieures (transformations enzymatiques et électrochimiques) visant à décrypter et mimer in silico les voies de bio-transformation des CTXs retrouvées chez les poissons. L’objectif est de produire à partir du panel des CTXs issues de la micro-algue Gambierdiscus, des formes métaboliques plus oxydées pouvant être utilisées comme sources potentielles d’étalons. Par ailleurs, l’analyse transcriptomique des niveaux d’expression génique par RNAseq des différents tissus de poissons issus des essais de gavage toxique sera réalisée avec deux objectifs : 1) mieux comprendre les effets des CTXs sur les poissons à travers une approche de biologie des systèmes ; 2) effectuer une analyse discriminante des signatures géniques des poissons intoxiqués vs contrôles à des durées d’exposition différentes pour tenter d’identifier des biomarqueurs potentiels spécifiques des poissons toxiques. Il est à noter que si la puissance des signatures géniques discriminant poissons toxiques et poissons sains se révèle suffisante, cette approche qui met l’accent sur les effets des CTXs dans le poisson plutôt que sur la détection des CTXs elles-mêmes, pourrait à terme déboucher sur un changement de paradigme des méthodes de détection existantes et la mise au point d’un test de détection fiable et peu coûteux des poissons toxiques. Des essais de contamination similaires seront conduits sur le modèle bénitier (T. maxima), en accordant une attention particulière aux voies et temps de dépuration des CTXs chez cet invertébré marin très prisé des populations locales.

Concernant la gestion des intoxications de type ciguatéra, nos objectifs sont de contribuer à une meilleure prise en charge des patients intoxiqués, tant au niveau du diagnostic précoce de la maladie que du traitement des symptômes cliniques de l’intoxication, qu’il s’agisse des formes aiguës ou chroniques. S’agissant du traitement de la ciguatéra, aucun antidote spécifique n’a été clairement identifié à ce jour, d’où l’approche essentiellement palliative qui est privilégiée en médecine occidentale. Actuellement, une plante issue de la pharmacopée traditionnelle, Heliotropium foertherianum ou faux tabac, suscite pourtant beaucoup d’espoir, son principe actif majeur, l’acide rosmarinique, ayant clairement montré des propriétés neuro-protectrices vis-à-vis de l’action des CTXs. L’élucidation du mode d’action de cette molécule constitue donc actuellement une priorité de recherche, et en cas d’avancée majeure, pourrait nourrir la réflexion en cours sur d’éventuels essais cliniques. Nous ciblons par ailleurs également l’étude des formes résiduelles et/ou sporadiques chroniques de ciguatéra qui demeurent, encore aujourd’hui, une véritable énigme, afin de tenter d’identifier des voies thérapeutiques de soulagement. Pour cela, nous nous attachons à une définition précise et objective de la notion de « chronicité », la caractérisation exhaustive des symptômes observés durant cette phase (essentiellement d’ordre neurologiques) et des facteurs susceptibles de les aggraver, ainsi qu’à l’identification de marqueurs immunogénétiques potentiels de prédisposition au développement de ces formes chroniques.

Approche intégrée adoptée en Polynésie française dans les programmes de lutte contre la ciguatéra au sein de l’Axe 1 du theme 2 de l’UMR-EIO
Approche intégrée adoptée en Polynésie française dans les programmes de lutte contre la ciguatéra au sein de l’Axe 1 du theme 2 de l’UMR-EIO

En raison des processus de bioaccumulation et de bioamplification de certains éléments chimiques, la contamination des ressources marines peut atteindre des niveaux très élevés pouvant engendrer de graves conséquences au niveau socio-économique (e.g. risques sanitaires, dégradation de la qualité environnementale). Dans le cadre de cet axe, il s’agit donc d’une part de dresser des cartes sanitaires des populations exposées à la contamination chimique dans les différents archipels polynésiens, et d’autre part d’acquérir des connaissances permettant de mieux comprendre les voies d’entrée et le devenir des contaminants chimiques, inorganiques et organiques (e.g. métaux-traces, hydrocarbures aromatiques polycycliques, pesticides, contaminants émergents), depuis les premiers maillons de la chaîne trophique jusqu’aux prédateurs supérieurs. Le mode et degré d’imprégnation des populations à divers polluants chimiques est objectivé au moyen d’analyses biologiques (urinaires, sanguins) et de la qualité d’environnementale (analyses des denrées alimentaires, eaux de consommation et de baignade). L’entrée des contaminants dans les premiers maillons trophiques est appréhendée à partir d’études de spéciation et de biodisponibilité des éléments chimiques. Le devenir trophique des contaminants est quant à lui développé à travers une approche combinant des études écologiques du réseau trophique et biogéochimiques des contaminants ; des traceurs biologiques (isotopes du carbone et de l’azote) et chimiques (contaminants inorganiques et organiques) sont ainsi analysés en parallèle.

Le rôle des producteurs primaires, organismes clés de voûte des réseaux trophiques dans le transfert des contaminants chimiques vers les niveaux trophiques supérieurs, pourra ainsi être mieux compris. Nous tenterons de préciser le rôle de tampon ou d’amplificateur de ce premier maillon trophique vis-à-vis des contaminants dans les EIO où nous ne disposons que de très faibles connaissances à l’heure actuelle.

Ces travaux sont ciblés sur les chaînes trophiques des ressources marines d’intérêt économique dans le Pacifique Sud tels que les bénitiers et les poissons (lagonaires et hauturiers) qui constituent une source alimentaire majeure, voire exclusive, pour les populations des EIO.